Haïti : le port du casque obligatoire pour la sécurité des motards et la lutte contre le crime

2 aoû 2013

Haïti : le port du casque obligatoire pour la sécurité des motards et la lutte contre le crime

La récente décision des autorités d’obliger les conducteurs de moto à porter un casque suscite des remous parmi les intéressés, mais semble porter quelques fruits.

Dans la capitale haïtienne, connue pour ses rues bruyantes et ses embouteillages, la moto est reine. Chaque jour, des milliers de chauffeurs de taxi-moto se faufilent entre les véhicules, transportant hommes et biens, surchargés et sans casque pour la plupart.

Motorcyclists in Port au Prince

Un spectacle qui se raréfie depuis le 11 juillet, depuis que la police a imposé le port du casque, en vertu d’un décret d’application remontant à 2006.

La majorité des usagers affirment avoir été touchés par la mesure annoncée à grand renfort médiatique par les responsables de la police et de la sécurité publique.

« Cette mesure ne peut faire que du bien. Le casque est là pour amortir les chocs », réagit Jean Claude, qui enlève son casque pour montrer une cicatrice au front. Ce chauffeur de taxi-moto avait failli perdre la vie lors d’un l’accident il y a six mois. « Depuis lors, je ne laisse jamais de côté mon casque », soutient le jeune homme de 22 ans.

« Cela ne va pas durer », ironise quant à lui Pierre-Louis, un autre chauffeur qui arbore, lui, une simple casquette, bravant la loi en vigueur.

En octobre 2011, la Police Nationale d’Haït (PNH) avait mené une campagne sur la sécurité routière (voir le spot sur la situation des routes à Port-au-Prince).

« Quand les policiers nous arrêtent, c’est souvent pour vérifier nos papiers, nos vignettes, pour s’assurer que nous sommes en règle vis-à-vis de la loi, mais jamais pour le casque », fait remarquer Pierre-Louis.

Le port de casque, un prescrit légal

« La moto reste le moyen de déplacement le plus rapide à Port-au-Prince, malgré le fait qu’elle constitue le transport à moteur le plus risqué », explique Guy André Pierre, secrétaire général de l’Association nationale des écoles de conduite (ANEC).

La mesure arrive « à point nommé », soutient M. Pierre qui souligne que le port de casque est « obligatoire dans toutes les législations internationales ».

Et en Haïti, des dispositions similaires sont inscrites dans le décret du 26 mai 2006 sur l’Immatriculation et la circulation des véhicules.

L’obligation du port du casque ne date donc pas d’hier. Mais les moyens pour l’appliquer font parfois défaut, avoue le chef adjoint de la Direction de la circulation et de la police routière, (DCPR), le Commissaire principal Goodson Jeune.

« Nul n’est censé ignorer la loi. Le problème, c’est son application ».

Le Commissaire principal Jeune indique que tous les policiers affectés à la circulation, à savoir 500 dans la capitale, sont censés verbaliser un motocycliste ne portant pas de casque. L’amende est fixée à 1000 Gourdes (25 dollars), soit 10 fois le prix d’une course en taxi-moto.

Ceux qui n’ont ni casque ni papiers ou permis sont arrêtés et leur moto confisquée.

Un moyen de lutter contre le banditisme

Si bon nombre de citoyens dépendent de la moto pour se faufiler dans les kilomètres de bouchons et arriver à l’heure au bureau, « les motocyclettes constituent [aussi] un problème d’insécurité dans la capitale », estime M. Jeune.

Logan Abassi - UN/MINUSTAH Logan Abassi - UN/MINUSTAH

En effet, les journaux d’Haïti rapportent régulièrement des cas de vol ou de meurtre commis par des individus circulant à moto qui s’enfuient après avoir commis leur délit.

Avec l’annonce du 11 juillet, les autorités espèrent donc « régulariser le trafic, tout en diminuant les marges de manœuvre des hors-la-loi qui utilisent souvent la moto comme moyen de déplacement », explique le Commissaire adjoint. En outre, les chauffeurs de taxi-moto doivent être identifiables et affiliés à une association reconnue par l’Etat.

« Une fois nos membres identifiés, les malfaiteurs n’auront d’autre choix que de s’abstenir ou de changer d’activité », estime Jean Charles Dieuner, coordonnateur de la Plateforme des Associations de motocyclistes taxis d’Haïti (PLAMOTAH).

En effet, selon l’annonce faite par le ministère de l’Intérieur et de la sécurité publique, tout chauffeur de taxi-moto sera muni d’un casque et d’un gilet portant un numéro attribué par la police de concert avec les mairies et les associations de taxi-moto.

Malgré quelques doutes quant à son application, les usagers sont pour. « Si quelqu’un avec un matricule commet un délit, on pourra le retrouver là où il a commencé sa course », acquiesce une jeune femme rencontrée dans la rue longeant l’aéroport de Port-au-Prince.

Mais, plus que la sécurité des motards, c’est bien la lutte contre le crime qui semble motiver les partisans de cette mesure.

Pierre Jérôme Richard