Journée de la langue maternelle : mettre le Créole en valeur

22 fév 2016

Journée de la langue maternelle : mettre le Créole en valeur

Photo: Logan Abassi UN/MINUSTAH

 

« Quand l’enseignement se fait en créole, j’ai la nette conviction que l’enfant apprend mieux et n’a plus besoin de mémoriser les notions par cœur, une fois arrivée à la maison », témoigne Abel Petit-Frère, professeur de carrière, enseignant le créole dans des institutions privées et publiques des Gonaïves depuis plus deux décennies.

 Une réflexion qui se situe en droite ligne de la politique éducative de feu Joseph C. Bernard, ex-ministre de l’Éducation nationale. Pendant son administration, ce dernier avait officiellement introduit le créole dans le système éducatif haïtien. Dans son programme de réforme éducative, il a entrepris,  en 1979, de consacrer le Créole et le français, langues d'enseignement.

 

Et, dépendamment des institutions, le français demeure une langue enseignée ou une langue d'enseignement, alors que le créole est donc depuis, la principale langue d'enseignement, notamment au cours des cinq années de l'enseignement fondamental.

 

En effet, si le Créole est parlé par tout Haïtien dès son plus jeune âge, son enseignement ne semble pas faire l’unanimité. Cependant, depuis un certain temps, elle est placée au même niveau que le français, et est testé avec la même rigueur que les autres matières enseignées.

 « Pour nous rendre libres, nos aïeux nous ont enlevé la chaîne des pieds et, l’ex- Ministre de l’éducation nationale Joseph C. Bernard nous l’a enlevé de l’esprit en introduisant l’enseignement du créole dans le système éducatif haïtien », témoigne d’un ton fier Daniel Jean Charles, actuel directeur départemental du Ministère de l’Education Nationale dans l’Artibonite.

Et, croit l’ex-coordonnateur du Programme national d’Alphabétisation dans le bas Artibonite, « quelqu’un qui refuse de s’exprimer en créole et de valoriser cette langue, garde encore cette chaîne à l’esprit ».

Une opinion qui suscite au sein de la population, des réactions et appréciation divergentes.

 

 

Une caravane pour formaliser l’enseignement du créole

 

Photo: Logan Abassi UN/MINUSTAH

 

« C’est le symbolisme du créole qui nous unit en tant que peuple et, plus on le pratique, plus on fait des découvertes », peut-on retenir du canevas des activités de la Caravane nationale de l’Akademi Kreyòl Ayisyen, AKA  (en français l’Académie du Créole haïtien, (ACH), lancée à l’occasion de la célébration de la journée internationale de la langue maternelle, ce dimanche 21 Février 2016.

Lors d’un point de presse donné en prélude à ces activités soit le jeudi 18 février à la salle de conférence de la Mairie des Gonaïves, Luna Gourgues, secrétaire exécutive de l’ACH , a tenu à féliciter tous les secteurs de la vie nationale qui, dit-elle, sans préjuger ,font quotidiennement la promotion de la langue créole.  Car, estime-t-elle, « aucune langue ne peut exister si la population ne l’utilise pas pour communiquer ».

Depuis la publication dans le journal Le Moniteur du décret portant création de l’ACH en avril 2013, c’est la première sortie officielle des académiciens. « Le choix de Gonaïves pour lancer la caravane est loin d’être une coïncidence » poursuit Mme Gourgues. « Nos ancêtres ont fait le rassemblement en créole pour nous rendre libre, et Gonaïves est la Cité de l’Indépendance, donc, on commence par le commencement », conclu-t-elle.

 

 

 

 

Le Créole, outil de développement durable

 

Photo: Logan Abassi UN/MINUSTAH

 

Cette année, les journées des 20 et 21 février ont été consacrées entièrement à des causeries, conférences-débats, ateliers de travail, expositions d’œuvres artistiques, animations et soirée culturelle sous le thème : « lang nou se nou, pa gen sitwayen san lang / notre langue c’est nous, il n’y a pas de citoyens sans langue ».

Enseignants, chercheurs et académiciens étaient aux Gonaïves pour promouvoir la langue créole à cette occasion. Etaient notamment invités: Pauris Jean Baptiste, Martinau Nelson, Erol Josué, Pierre Michel Chéry, Gérard Marie Tardieu et Jocelyn Trouillot.

En Haïti, la commémoration de la Journée internationale de la langue maternelle ce 21 février a mis l’emphase sur le créole, consacrée langue officielle d'Haïti par la Constitution de 1987 à côté du français, grâce à la mobilisation de nombreux écrivains, intellectuels et de linguistes haïtiens.

L'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture , (UNESCO) qui se dit engagé depuis quelques années à promouvoir la diversité linguistique et le multilinguisme sur Internet, a donc profité de la journée pour « attirer l’attention sur la place du créole sur le web ». Car, estime l’agence onusienne «  des contenus de qualité produits dans la langue maternelle augmenteront l’accès à l’information et au savoir, deux éléments prépondérants dans l’optique du développement durable ».

 

Autre objectif, appuyer l’« utilisation du créole pour la Gestion des Risques et des Désastres (GRD), pour l’éducation à la citoyenneté et pour la promotion des droits et des devoirs du citoyen haïtien qui est aussi un citoyen mondial », d’ateliers de réflexion organisés le cadre la Caravane que lance l’Akademi Kreyòl Ayisyen,(en français l’Académie du Créole haïtien), AKA.

 

La cérémonie tenue aux Gonaïves a été aussi le moment pour Paul Gomis, Représentant de l’UNESCO en Haïti, de souligner que depuis 2011, l’UNESCO Haïti soutient le Système National de Gestion des risques et désastres (SNGRD) pour la prévention et préparation aux risques, notamment le risque de tsunami, ainsi que pour la formalisation de l’éducation à la GRD.

 

L’année dernière, des activités pour marquer la journée internationale de la langue maternelle ont été organisées autour du thème : «  Créole est la langue dans laquelle la population doit bénéficier tous les services de base ».

 

 

Jean Patrick Mackintosh