Journée mondiale contre le travail des enfants : Haïti et la communauté internationale se mobilisent pour «un pays digne de ses enfants »

8 juin 2012

Journée mondiale contre le travail des enfants : Haïti et la communauté internationale se mobilisent pour «un pays digne de ses enfants »

En prélude à la célébration, le 12 juin 2012, de la Journée mondiale contre le travail des enfants, des acteurs de la protection de l’enfance en Haïti ont fait état des efforts en cours pour mettre en lumière le droit de tous les enfants d’être protégés contre toute forme d’exploitation, lors d’une conférence de presse organisée vendredi 8 juin au siège de la MINUSTAH à Port-au-Prince. Etaient présents à cette conférence de presse, des représentants de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), du Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF), de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), de la Brigade de Protection des Mineurs (BPM) au sein de la Police Nationale d’Haïti, de la Coalition contre le système Restavek et de l’Unité de Protection de l’Enfance de la MINUSTAH.


Journée mondiale contre le travail des enfants : Haïti et la communauté internationale se mobilisent pour «un pays digne de ses enfants »


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Photo : Logan Abassi– UN/MINUSTAH

Lancée à l’occasion de la Semaine de l’Enfant, dont la journée sera célébrée le 12 juin, la campagne contre le travail des enfants, intitulée ‘Droits Humains et Justice Sociale : Eliminons le travail des enfants’, vise à évaluer le chemin parcouru depuis 2010, année de l’adoption par la communauté internationale d’une feuille de route en vue de l’élimination des pires formes de travail des enfants d’ici à 2016, et à favoriser les initiatives en faveur des enfants dans ce domaine.

Selon l’OIT, 215 millions d’enfants travaillent dans le monde. En Haïti, ils sont plus de 29%, un phénomène illégal au regard des conventions internationales en vigueur relatives au travail, à la traite et aux droits des enfants. En effet, selon Nancy Robinson, conseillère technique principale auprès de l’OIT, le travail des enfants constitue une entrave aux droits des enfants et un obstacle au développement. « En entrant dans le marché du travail prématurément », a-t-elle estimé, « ces enfants sont privés d’une éducation et d’une formation décisive pouvant [les] aider, leurs familles et leurs communautés, à sortir du cycle de la pauvreté ». En outre, les enfants impliqués dans les pires formes de travail peuvent être « exposés à des souffrances physiques, psychologiques ou morales pouvant causer des dégâts à long terme dans leur vie », a expliqué la représentante de l’OIT lors de la conférence de presse.

Certes, le chef de la Brigade de Protection des Mineurs, le Commissaire Principal Jean Gardy Muscardin, a rappelé qu’ « [Haïti] dispose d’instruments légaux pour lutter contre les abus subis par les enfants » avec deux lois votées en 2001 et 2003 respectivement sur les châtiments corporels et l’élimination du chapitre 9 du Code du Travail qui traite des « enfants en service », mais la pays n’a pas encore ratifié la Convention Universelle du Bureau International du Travail sur le travail des enfants. Une Convention que la représentante de l’OIT a exhorté les autorités à ratifier, pour ensuite adopter des politiques et des programmes nationaux afin de traduire la Convention en mesures concrètes sur le terrain.

Faire sortir ‘les invisibles’ de l’oubli

Malgré le manque de statistiques récentes en Haïti, tous les acteurs de la protection s’accordent à dire que les enfants en domesticité, – communément appelés en Haïti ‘Restaveks’ – constituent la frange la plus vulnérable des enfants exerçant un travail. « Ce sont les invisibles », a expliqué le chef de la Protection de l’Enfance au sein de l’UNICEF, Jean Liby. « Ils sont dans les foyers, parfois même dans vos foyers ». Placés par des recruteurs dans des familles, ces enfants sont traités différemment des enfants de la famille d’accueil et n’ont en majorité pas accès à l’éducation ni aux soins médicaux. Une situation qui, selon le représentant de l’UNICEF, n’est « pas acceptable », sachant qu’ils sont « particulièrement vulnérables à des violences physiques et abus sexuels surtout perpétrés - comme c’est le cas dans d’autres pays - par des membres de la famille qui les reçoit ».

Ainsi, afin de sensibiliser le public sur ce phénomène qui, selon la porte-parole de la Coalition Contre le Système Restavek, Nadine François, « nous concerne tous », l’OIM a lancé cette semaine une grande campagne utilisant les médias sociaux et la bande dessinée, un film réalisé par un ancien Restavek, un numéro d’appel téléphonique gratuit permettant, en composant le 177, d’obtenir et de donner des informations sur la question, ainsi que la diffusion de 250,000 SMS sur la problématique des Restavek en Haïti.

Le 188, ligne d’urgence contre l’enfance maltraitée

Point phare de cette campagne contre le travail des enfants, la réouverture du numéro d’appel gratuit, le 188, doit permettre aux victimes ou témoins de maltraitance et d’exploitation des enfants de dénoncer ces délits et d’enclencher l’intervention de la Brigade de Protection des Mineurs. Ainsi, le Commissaire Principal Jean Gardy Muscadin, qui dirige cette entité de 35 officiers au sein de la PNH, a invité la population a « signaler ces cas pour [que nous puissions] prévenir et réprimer tout individu exerçant la violence sur les enfants ». La BPM intervient sur tout le territoire, notamment dans les zones frontalières, pour soustraire les enfants à des pratiques de traite et d’exploitation. Ainsi, depuis le séisme du 12 janvier 2010, qui, selon l’UNICEF, a accentué ce phénomène, la BPM a participé à la vérification de plus de 12,000 enfants à la frontière dont 300 ont été soustraits à des pratiques de traite. Le Commissaire Muscadin espère que l’utilisation du 188 dans tous le pays permettra aussi de lutter contre ces délits.

Enfin, à l’occasion de la Semaine de l’Enfance, le responsable de l’UNICEF a aussi annoncé la création d’un annuaire de l’ensemble des 722 centres résidentiels ou vivent plus de 30,000 enfants séparés de leurs familles et qui sont en situation de grande vulnérabilité. Une initiative de l’Institut du Bien-être Social et des Recherches (IBESR) avec le soutien de l’agence onusienne, de la MINUSTAH et de la BPM. L’annuaire qui sera lancé lundi 11 juin, permet d’évaluer la situation des enfants placés dans ces centres, dont seulement 67 ont reçu une accréditation de l’IBESR. Dans de nombreux centres siglés ‘rouges’ par l’Institut, les enfants sont en « très grand danger », a constaté Jean Liby. Si beaucoup reste à faire, dit-il, la mobilisation est grande pour « réaliser un pays digne de ses enfants ».

Sophie Boudre