Le renforcement des institutions et, en particulier, de la police nationale, est au cœur de la stabilisation durable en Haïti, déclare le Représentant spécial devant le Conseil

3 oct 2012

Le renforcement des institutions et, en particulier, de la police nationale, est au cœur de la stabilisation durable en Haïti, déclare le Représentant spécial devant le Conseil

Conseil de sécurité
CS/10780

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Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Conseil de sécurité

6842e séance – matin

CONSEIL DE SÉCURITÉ: LA QUESTION CONCERNANT HAÏTI

(Le résumé complet de la réunion sera disponible plus tard dans la journée.)

LA QUESTION CONCERNANT HAÏTI

Rapport du Secrétaire général sur la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (S/2012/678)

Ce rapport, qui porte sur la période allant de mars à août 2012, est soumis en vertu de la résolution 2012 (2011) par laquelle le Conseil de sécurité a prorogé jusqu’au 15 octobre 2012 le mandat de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH). Le Secrétaire général de l’ONU constate que la période considérée a été marquée par plusieurs grands tournants politiques attendus de longue date, signe que la stabilisation se poursuit en Haïti, notamment l’approbation par le Sénat de la nomination d’un nouveau Premier Ministre, en la personne de M. Laurent Lamothe.

Dans l’ensemble, fait observer M. Ban Ki-moon, la situation en matière de sécurité est demeurée relativement stable durant toute la période à l’examen, bien qu’elle fût ponctuée de troubles civils sporadiques dus principalement à des revendications socioéconomiques et à l’instabilité causée par des éléments des anciennes forces armées et des « nouvelles recrues ». Les chiffres de la criminalité recueillis par la Police nationale et la MINUSTAH témoignent d’une forte augmentation du nombre d’homicides, avec une moyenne de 99 meurtres par mois contre 75 au cours de la même période en 2011. En revanche, le nombre d’enlèvements est en diminution. La Police nationale continue de gagner en efficacité mais elle n’est pas encore à même d’assurer pleinement la sécurité intérieure sur tout le territoire. Les militaires et les policiers de la MINUSTAH ont donc continué de jouer un rôle essentiel dans le maintien de la sécurité et de la stabilité générales.

Au cours de la période considérée, Haïti a continué de faire face à d’importantes difficultés sur le plan humanitaire et beaucoup des personnes déplacées vivant dans des camps à cause du tremblement de terre dépendent toujours de l’aide fournie pour survivre. En juin 2012, plus de 390 000 d’entre elles vivaient dans 575 camps, soit une baisse de 73% par rapport aux chiffres de juillet 2010. Par ailleurs, l’épidémie de choléra a tué plus de 7 440 personnes. Une initiative binationale visant à éradiquer le choléra de l’île d’Hispaniola a été lancée en janvier 2012.

La MINUSTAH, qui a continué de retirer les renforts déployés après le tremblement de terre, a commencé à réfléchir à un plan de concentration des activités adaptable en fonction de la situation. Ce plan prévoit que les activités de la MINUSTAH seront réduites à un petit nombre de tâches essentielles réalisables dans un délai raisonnable -de quatre à cinq ans- et ayant pour objet de stabiliser suffisamment la situation pour que la présence d’une importante opération de maintien de la paix ne soit plus nécessaire.

En conclusion, le Secrétaire général recommande au Conseil de sécurité de ramener l’effectif militaire autorisé de la Mission de 7 340 à 6 270 hommes. De plus, la Mission devant concentrer ses activités sur la formation et l’encadrement de la Police nationale, il recommande que l’effectif de police autorisé soit ramené de 3 241 à 2 601 membres d’ici à juin 2013. Le renforcement de la Police nationale, souligne M. Ban, demeure une condition essentielle pour que la MINUSTAH puisse quitter le pays le moment venu. Il se félicite, à cet égard, de ce que le Président ait annoncé son intention d’axer son action sur la poursuite du renforcement de cette institution pour que la sécurité soit assurée dans tout le pays. Dans cette optique, il l’exhorte, ainsi que les États Membres, à prendre l’engagement de dégager les fonds nécessaires au bon fonctionnement d’une force de police professionnelle, fiable et responsable.

Déclarations

M. MARIANOFERNÁNDEZ AMUNÁTEGUI, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), a indiqué que les progrès dans la stabilisation et dans l’instauration de l’état de droit en Haïti étaient manifestes. Il s’est notamment félicité de l’annonce par le Président d’Haïti de la publication de la version révisée des amendements constitutionnels, parmi lesquels figurent la création d’un Conseil électoral permanent et d’un Conseil constitutionnel et l’imposition d’un quota de 30% de femmes au sein de la fonction publique. Il a également salué la nomination, par le Président, du nouveau Premier Ministre Laurent Lamothe en mai, et la création officielle du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire le 3 juillet dernier. Le Premier Ministre, a affirmé M. Fernández Amunátegui, a adopté des mesures dans divers domaines tels que la création d’emplois et la lutte contre la contrebande qui vont dans la bonne direction. La stabilisation politique du pays se heurte encore à des obstacles, comme les divergences sur la composition du Sénat haïtien ou bien encore l’impasse dans laquelle se trouve le Conseil électoral permanent. C’est pourquoi, a insisté le Représentant spécial, il est crucial de renforcer la légitimité de la composition de ce Conseil.

L’état de la sécurité en Haïti est relativement stable, bien qu’il fût ponctué par des troubles civils sporadiques résultant principalement de revendications de nature sociale et économique et de l’instabilité causée par des éléments des anciennes forces armées et des « nouvelles recrues », a fait remarquer M. Fernández Amunátegui. Il s’est félicité que le Premier Ministre ait récemment pris des mesures fermes contre ces éléments, la Police nationale haïtienne, avec l’aide de la MINUSTAH, en ayant fait évacuer sans incident, en mai dernier, les 10 principaux sites occupés dans tout le pays par ces éléments. Le Représentant spécial a détaillé les mesures prises pour renforcer la Police nationale haïtienne, dont le rôle, a-t-il dit, est crucial au relèvement du pays. Il a cité en particulier l’adoption d’un plan quinquennal pour arriver d’ici à 2016 à une police forte de 15 000 membres. C’est un engagement considérable pris par le Gouvernement d’Haïti, a affirmé le Représentant spécial, qui a également salué la décision de mettre fin aux activités de 79 policiers responsables d’actes de corruption. Dans ce contexte, et dans le droit fil du rapport du Secrétaire général, il a recommandé la réduction des effectifs militaires de la Mission de 7 340 à 6 270 hommes et des effectifs de police de 3 241 à 2 601 d’ici à juin 2013. Il a ensuite rappelé qu’en juin 2012, plus de 390 000 personnes déplacées vivaient dans 575 camps, soit une baisse de 73% par rapport aux chiffres de juillet 2010, date à laquelle 1 555 camps en accueillaient 1,5 million. À ce rythme, on estime à plus de 230 000 personnes déplacées à la fin de 2012, a-t-il précisé.

M. Fernández Amunátegui a ensuite détaillé les nombreux défis qu’Haïti doit encore relever, citant notamment l’amélioration des perspectives d’emplois pour les jeunes. Après huit ans de présence de la MINUSTAH, les progrès réalisés sont considérables, a-t-il soutenu. Il faudrait désormais faire fructifier les dividendes de la stabilité en œuvrant au développement économique et social du pays, a préconisé le Représentant spécial, avant de préciser que la MINUSTAH avait vocation à devenir dans les années à venir une mission politique.

M. HAROLD CABALLEROS, Ministre des affaires étrangères du Guatemala, a tout d’abord souligné que, pour la première fois dans l’histoire de l’ONU, son pays présidait le Conseil de sécurité. Comme vous le savez, a-t-il observé, les pays de la région s’identifient de près à la MINUSTAH. Une douzaine de pays latino-américains y contribuent en fournissant des contingents militaires et de police. Il a précisé que leur commandant a toujours été issu de la région, et, dans la majorité des cas, également le Représentant spécial du Secrétaire général. M. Caballeros a indiqué qu’il s’était rendu brièvement à Port-au-Prince, il y a quelques semaines, pour rencontrer le contingent du Guatemala.

Le rapport du Secrétaire général, a observé le Ministre, brosse un tableau encourageant de la situation. Le Ministre a notamment félicité Haïti pour la formation du nouveau Gouvernement, ainsi que pour la création du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire. Il a assuré que son pays demeurerait engagé au sein de la Mission pendant le temps nécessaire. Le Guatemala, a-t-il ajouté, appuie le processus de reconfiguration et de consolidation de la MINUSTAH et attend avec intérêt le nouveau plan de restructuration en cours d’élaboration. La mise en œuvre de ce plan de restructuration exigera une coordination extensive entre les différents acteurs, nationaux et internationaux, a estimé le Ministre des affaires étrangères du Guatemala. Son pays, a-t-il assuré, appuie entièrement l’élaboration d’un pacte de transition qui puisse mesurer les progrès réalisés dans le processus de stabilisation et qui transcende l’action de la MINUSTAH dans les domaines du développement et de la consolidation institutionnelle. M. Caballeros s’est félicité du récent lancement à New York du Mécanisme de coordination de l’aide présenté par Haïti. Avant de conclure, le Ministre a rendu hommage au Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la MINUSTAH, M. Fernandez, qui s’acquitte de son mandat dans une période caractérisée, a-t-il dit, par des défis et des difficultés.

Mme SUSAN RICE (États-Unis) a rappelé les difficultés, voire la détérioration de la situation qui prévalait lors du dernier examen de la situation en Haïti par le Conseil de sécurité. Sept mois plus tard, la situation se révèle plus prometteuse et les autorités semblent placer l’intérêt de la population au premier plan, a-t-elle noté. Mme Rice s’est notamment félicitée de la création du Conseil du pouvoir judiciaire et de la mise sur pied de la Commission électorale. Au nombre des mesures positives, a-t-elle dit, le quota de 30% accordé aux femmes dans la fonction publique ainsi que la priorité budgétaire accordée à la police vont dans le bon sens. Celle-ci joue un rôle essentiel dans la protection de la population, a souligné Mme Rice, en insistant sur la formation des policiers. Au bout du compte, les améliorations en matière de sécurité et d’état de droit sont susceptibles de permettre la relance économique. C’est pourquoi, les États-Unis appellent les bailleurs à tenir leurs engagements.

La représentante a indiqué que son pays appuyait le renouvellement du mandat de la Mission pour une année supplémentaire, celle-ci ayant amplement démontré son utilité. Sa reconfiguration est un exercice d’équilibre délicat et nous n’avons pas le droit à l’erreur, a-t-elle commenté. Mme Rice a mis en garde contre les risques d’une réduction trop rapide de ses effectifs qui pourrait remettre en cause les progrès accomplis. Elle a émis l’espoir que très bientôt, sa présence ne serait plus nécessaire. Mme Rice a évoqué par ailleurs la situation économique, en mettant l’accent sur la nécessité d’investir en particulier dans le nord du pays. En outre, le relogement des personnes déplacées demeure une priorité. Elle a constaté que les institutions démocratiques se renforçaient et que le sort de la population s’améliorait, en assurant Haïti du soutien constant des États-Unis.

Le représentant du Maroc a félicité le Guatemala pour son accession à la présidence du Conseil de sécurité, en le complimentant d’ores et déjà pour son action. Il a constaté que des progrès significatifs avaient été accomplis par Haïti, après une période difficile. Il a souligné la nécessité des réformes institutionnelles qui vont dans le sens du renforcement d’un état de droit. Le représentant du Maroc s’est également félicité de la présence de femmes à deux postes importants au sein du Gouvernement, ainsi que du quota de 30% en leur faveur dans la fonction publique. Il a toutefois constaté que les besoins humanitaires issus du tremblement de terre demeuraient « gigantesques », plus de 400 000 personnes continuant à vivre dans des conditions précaires.

Le Maroc, a-t-il dit, félicite la MINUSTAH pour son action. Celle-ci doit pouvoir poursuivre son action, le Maroc étant favorable au renouvellement de son mandat. La réduction des effectifs, a-t-il estimé, s’inscrit dans le cadre d’un retrait progressif. Il appartient aux autorités de redoubler d’efforts, de renforcer la gouvernance et de favoriser l’investissement étranger. À ce stade, a déclaré le représentant, l’engagement de la communauté internationale demeure indispensable. Les Forces armées marocaines ont contribué à permettre le retour à la paix civile et à atténuer les conséquences du séisme, a-t-il rappelé, en disant sa confiance en un avenir paisible et prospère pour ce pays s’il persévère dans la même voie.

À suivre…