Les enfants d’Haïti bientôt protégés contre les travaux dangereux

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21 avr 2014

Les enfants d’Haïti bientôt protégés contre les travaux dangereux

Le Ministère des Affaires sociales et du travail (MAST) pourrait rendra publique le mois prochain, une liste exhaustive des travaux jugés dangereux pour les enfants. L’annonce fait suite à des séances de travail entre les représentants des acteurs concernés, tels le gouvernement, le Bureau international du travail (BIT), l’UNICEF, l’Unité protection de la MINUSTAH, ainsi que des Organisations de la Société civile.

Photo: Jerry Rosembert Moise / BIT Photo: Jerry Rosembert Moise / BIT

« J’ai encore à l’esprit cette fillette qui a vécu deux ans dans la rue parce que sa mère l’avait menacée de coups de fouet pour avoir laissé tomber à bout de force le récipient rempli d’eau (environ 15 litres) », raconte Bidelin Simeon, chef de programme Education et protection à l’ONG Association des volontaires pour le service international (AVSI).

Soulignant que son organisation avait dû faire la médiation pour faciliter le retour de cette fillette chez ses parents, M. Siméon estime « important que les parents soient sensibilisés sur les rôles et tâches à ne pas confier aux enfants ».

Selon les Conventions 138 et 182 de l’Organisation international du travail (OIT), parler de travail des enfants implique d’aller au-delà des concepts de dangers et risques liés au travail tels qu’appliqués aux adultes. Il faut donc inclure les aspects physique, cognitif, comportemental et émotionnel liés au développement des enfants, leur croissance n’étant pas terminée, tel que recommandé par l’OIT.

En Haïti, de nombreux parents ne peuvent subvenir aux besoins essentiels de leurs enfants. Ces derniers travaillent dans les secteurs de la pêche, l’agriculture, d’autres sont placés en domesticité.

Peuvent être considérés comme travaux de nature dangereuse toutes activités, occupations, travaux ou tâches exécutés par un enfant de moins de 18 ans, pouvant causer préjudice à sa santé physique, mentale ou psychique, à sa sécurité ou à sa santé morale.

« Les enfants exécutent ces travaux dans des conditions particulièrement difficiles et inaptes à leur âge, telles les longues durées, le travail nocturne ou la non-satisfaction des besoins physiologiques », note Norah Amilcar, consultante auprès du Bureau international du travail (BIT), lors d’un exposé au profit de représentants de plusieurs secteurs concernés par les travaux dangereux réalisés par des enfants, réunis à Port-au-Prince les 7 et 8 avril dernier.

Cette rencontre était située dans le cadre des obligations faites aux autorités d’appliquer les dispositions de ces deux conventions ratifiées par le pays en 2007, fait remarquer pour sa part Moise Jules, Directeur adjoint du travail, au MAST, soulignant la nécessité de déterminer, d’élaborer, et de publier une liste des travaux dangereux interdits aux enfants.

« Et, la convention nous fait obligation d’adopter des mesures susceptibles de mettre en place des structures pouvant aider à les éliminer, une fois ces travaux dangereux identifiés », soutient-il.

La liste des travaux dangereux, essentielle pour l’avenir du pays

Pour s’assurer de l’application des conventions, le BIT n’entend pas laisser le gouvernement agir tout seul. Il veut l’«épauler » dans ce processus « essentiel pour l’avenir du pays », comme l’explique Victor Fleury, responsable de la Communication au BIT en Haïti.

Il croit qu’il serait « idéal » que le titulaire du MAST puisse annoncer la dite liste, en préparation depuis deux ans, le 12 juin prochain à l’occasion de la Journée contre le travail des enfants.

L’une des façons d’empêcher les enfants d’exercer des travaux jugés dangereux est la protection. En ce sens, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, UNICEF, dit sa disponibilité d’appuyer les efforts du gouvernement et du BIT.

Un appui qui se traduit notamment par « une contribution au renforcement des services sociaux à travers le pays et un renforcement de l’environnement protecteur de l’enfant », affirme Christine Peduto, en charge de la protection de l’enfant à l’UNICEF. Mme Peduto souhaite que ces réflexions deviennent un outil de travail et de protection en faveur des enfants.

Si la plupart des secteurs de la vie nationale tels le tourisme, la construction ou encore l’agriculture sont concernés par ces travaux dangereux, le travail domestique est de plus en plus montré du doigt.

Concernant les enfants évoluant dans la domesticité, communément appelés « restaveks », les agences des Nations Unies, les ONG avec le leadership du MAST préparent une étude de référence pouvant fournir « les vrais chiffres, leur garantir une certaine fiabilité, et mieux quantifier le phénomène », annonce Mme Peduto qui espère que « cela pourra faciliter les interventions des acteurs intéressés ».

Les réflexions de la journée du 7avril dernier sur les travaux dangereux ont permis de recueillir les points de vue de représentants des instances de l’Etat comme le ministère des Affaires sociales et du travail (MAST), le Ministère de l’Education nationale et de la formation professionnelle (MENFP), et le Ministère de la Santé publique et de la population (MSPP).

Lors de la seconde journée, des organismes de la Société civile, non gouvernementaux, ont travaillé à leur tour sur la question.
Il appartient désormais au Comité national tripartite contre le travail des enfants, incluant des représentants de l’Etat, des syndicats de travailleurs et des employeurs de réaliser la synthèse des propositions recueillies en vue de déterminer la liste des travaux dangereux.

Pierre Jérôme Richard –UN/MINUSTAH