'Restavèk' : un protocole d’entente pour parler d’une seule voix

19 nov 2013

'Restavèk' : un protocole d’entente pour parler d’une seule voix

L’Organisation Aba System Restavek (ASR), a lancé le 15 novembre dernier à Port-au-Prince un protocole d’entente devant permettre aux différentes entités engagées dans la lutte contre la domesticité de parler d’une même voix contre ce phénomène connu en Haïti sous le nom de ‘Restavek’.

Ce « Protocole d’entente pour la prévention de la domesticité infantile, la protection et la réinsertion des enfants affectés », attend d’être validé par les différentes entités travaillant dans la lutte contre la domesticité juvénile.

Selon le président du Réseau Aba System Restavek (ASR), Salomon Jean, ce document doit « créer les conditions d’une systématisation et d’une mutualisation de tous les savoirs et compétences accumulées » depuis des décennies concernant la protection des enfants en Haïti.

Il s’agit donc pour les responsables de développer une stratégie commune dans la lutte contre la domesticité infantile, un phénomène courant pratiqué dans les foyers haïtiens.

Grégory Gard - UN/MINUSTAH Grégory Gard - UN/MINUSTAH

Le projet, décrit dans ce document de 41 pages,  vise à « améliorer » l’action publique en matière de protection  des enfants contre ce phénomène et à « permettre à l’état de reprendre la main dans un contexte où les interventions non étatiques se réalisent sans contrôle ni coordination ».

Pour Perrono Junior, de l’Institut pour le bien-être social et de recherches (IBESR), le protocole permet de mieux coordonner la réinsertion des mineurs en domesticité – les ‘Restaveks - victimes d’abus. En effet, selon le texte, ses parents doivent suivre les différentes étapes prescrites dans le cadre de la réinsertion, comme le recours à la justice de manière à ce que la victime obtienne justice et réparation.

Il cite aussi le fait que le protocole propose la mise en place d’une base de données sur le problème de la domesticité qui pourrait servir à tous les secteurs intervenant dans le dossier. En effet, le phénomène, bien qu’il existe au grand jour, est l’objet de nombreux tabous qui le rendent difficile à quantifier.

Ce n’en est pas moins un problème « crucial » selon Norah A. Jean Francois, du Chapitre haïtien de l’Association internationale des femmes juges. En effet, les chiffres oscillent entre 250,000 et 400,000 les mineurs placés en domesticité, hors des foyers de leurs parents. Cependant la juge appelle au respect des normes déjà en vigueur.

L’inspecteur de police Joseph Guerson, qui dirige la section des mineurs en conflit avec la loi au sein de la Brigade de la Protection des Mineurs (BPM), voit dans ce protocole un « projet de société qui - s’il existait il y a dix ans - aurait ralenti de façon significative » le phénomène.

Pour aboutir à ce protocole, des consultations, des questionnaires, des forums ont été organisés à travers le pays pendant plus d’un an avec le soutien de l’Unité de la protection de l’enfance de la MINUSTAH, pour recueillir l’opinion des différentes entités intervenant dans le domaine.

Apres les signatures, il reviendra au Ministère des Affaires sociales et du Travail de soumettre le document au Parlement pour qu’il ait force de Loi.

Selon des études conduites par l’Agence américaine pour le développement international (USAID) et la Pan American Development Foundation (PADF) en  2009, plus de 225 000 enfants seraient victimes du phénomène de la domesticité dans villes haïtiennes. Un nombre qui aurait presque doublé suite au séisme de 2010, selon les organisations de protection de l’enfance haïtiennes.

Pierre Jerome Richard