Sécurité : Baie de Henne réclame protection et services

22 mai 2013

Sécurité : Baie de Henne réclame protection et services

Depuis presque 10 ans, les habitants de Baie de Henne, une commune isolée du Nord-ouest, se plaignent de l’absence de la Police Nationale d’Haïti (PNH). Témoignage.

Sécurité : Baie de Henne réclame protection et services

Photo : Vicky Delore Ndjeuga - UN/MINUSTAH

« La police a sa place à Baie de Henne. Et les citoyens ont besoin de protection et de sécurité », lance, amère, Monarque J., accoudée au comptoir de la caisse de son supermarché, le seul de la ville, qui fait face à l’immensité bleue des Caraïbes.

Sécurité : Baie de Henne réclame protection et servicesDehors, il fait chaud. Le soleil est à son zénith. Des bourrasques de poussière soufflent sur la commune presque totalement déboisée. Pourtant, à l’intérieur de ce supermarché moderne, il fait froid, les congélateurs tournent, la musique ronronne, tout cela sous l’œil inquisiteur de neuf caméras de surveillance.

« Nous utilisons des panneaux solaires pour produire de l’électricité pour nos activités. Ce matériel attire les voleurs, parce qu’il coute cher », soupire-t-elle. Agée d’une trentaine d’années, Monarque poursuivait des études en sciences juridiques à Port-au-Prince avant de retourner dans sa ville natale, pour faire des affaires, avec l’aide de son frère domicilié aux Etats-Unis. Pour satisfaire les clients, le supermarché fonctionne jusqu’à tard dans la nuit.

« Nous avons peur pour nos vies », soupire-t-elle. « Dans la ville, les maisons sont éloignées les unes des autres. En cas de danger, les voisins arrivent toujours trop tard. Car, eux aussi, ont peur. Il serait plus facile pour le voisin d’alerter la police que d’affronter les criminels », dit la jeune commerçante.

« Sans la police nous ne pouvons rien faire » 

Un sentiment d’impuissance que partage Wilnick Joseph, greffier du tribunal de paix de Baie de Henne. « La justice ne marche pas à Baie de Henne, à cause de l’absence de son auxiliaire qu’est la police», soutient-il. « Sans elle nous ne pouvons rien faire ». 

M. Joseph explique que plusieurs démarches ont été faites auprès du ministère compétent pour le déploiement de la police, en vain. «  Au départ, on nous avait dit que les policiers n’étaient pas déployés ici faute de local disponible. Depuis plus de trois mois, la MINUSTAH a achevé la construction de nouveaux locaux de  la police et du tribunal. Mais, nous attendons toujours », déplore-t-il.

Avec une population d’environ 25 000 habitants répartis dans quatre sections communales sur une surface de 203 km carrés, Baie de Henne est confronté à presque toutes les formes d’insécurité : vols, viols, kidnapping. La principale activité économique est la pêche et la vente de charbon de bois, produit de la coupe illicite des arbres.

Sécurité : Baie de Henne réclame protection et services« Sans la présence de la police, nous essayons de vivre. C’est très difficile. Dans ces conditions, la justice populaire prospère malheureusement », regrette-t-il, faisant référence à de fréquents cas de lynchage.  Les Commissariat du Mole Saint Nicolas ou d’Anse Rouge, dans le département voisin, sont, selon lui, trop éloignés pour être des recours efficaces.

Pourquoi n’y a-t-il pas de policier à Baie de Henne depuis 10 ans ? Fritz Metayer, un Hennois d’une cinquantaine d’années, soutient que sa commune est punie pour une faute qu’elle n’a pas commise. « Après le départ du président Aristide, en 2004, des gens venus des Gonaïves ont attaqué et incendié le commissariat. Ce ne sont pas les Hennois qui ont fait cela », insiste-t-il.

M. Métayer  lance, à l’instar de Frederica Paul, une femme de 26 ans, la même supplique : «Notre commune se développe, la MINUSTAH a construit l’hôtel de ville et le tribunal, le gouvernement fait les routes et construit le lycée, les activités économiques redémarrent. Tous ces progrès ne peuvent se faire sans la police », explique-t-elle.

Le responsable de la Direction départementale de la Police nationale dans le Nord-ouest, Bastien Jacques Feder, invoque un manque d’effectif généralisé dans la région. Il assure, toutefois, que des efforts sont faits pour doter le commissariat de Baie de Henne de policiers, dans les plus brefs délais. « Nous sommes très sensibles à cette situation. Que les Hennois ne perdent pas espoir. Leur police ne les a pas oubliés. Nous travaillons d’arrache-pied pour mettre fin à ce désert policier », insiste le Chef de la PNH dans le département.

Sécurité : Baie de Henne réclame protection et servicesVieille de 124 ans, Baie de Henne figure au nombre des communes les plus défavorisées du pays. La ville ne dispose ni d’eau potable ni d’électricité. En outre, plusieurs institutions publiques sont absentes ou manquent de locaux.

La MINUSTAH a financé, depuis quelques années, plusieurs projets dans le cadre de ses Projets à effets rapide (QIPs). Il s’agit notamment de la construction de l’hôtel de ville, du tribunal de paix et du commissariat. Des projets d’électrification par l’installation de lampadaires solaires, et d’adduction d’eau par l’installation de puits artésiens, ont également été réalisés.

Vicky Delore Ndjeuga